1945/2017 Une (très) brève histoire de la psychologie à l’école primaire
Jean-Claude Guillemard psychologue , Dr en Sciences de l’Education, ancien Président de l’AFPS (1981/1987) et de l’ISPA (1985/1990), représentant permanent de l’ISPA auprès de l’UNESCO.
Cette présentation résume -très succinctement - une intervention faite à Paris à l’occasion du Cinquantenaire de l’AFPEN ((2012) et une autre à Angers au 24e congrès de l’AFPEN(2015).
Première partie : Evolution des missions attribuées aux psychologues scolaires,
Je m'en tiendrai ici à la naissance de notre profession au ai décours de la 2e guerre mondiale puis à ses évolutions successives ,
Dès 1942,43 le Conseil National de la Résistance (CNR)met en place une Commission chargée de préparer la réforme démocratique de l’enseignement,, Successivement présidée par Paul Langevin puis Henri Wallon (dont t les noms resteront attachés à ce plan,) cette commission voulait favoriser la mise en œuvre d’une pédagogie nouvelle faisait une place à la psychologie (titre IV) à qui Wallon donne pour rôle de mieux connaître l'enfant et (je cite) :
- de découvrir « les causes intellectuelles, caractérielles et sociales de son comportements scolaire ».
- en s'interdisant « une sélection qui refuserait à certains enfants et même au plus grand nombre, les possibilités de culture qui doivent être mises au service de tous »
- en se gardant de « L’enregistrement stérile de situations que leur simple constatation fait alors tenir pour définitivement établies, nécessaires inévitables. »
La psychologie scolaire est ainsi un outil mis au service du pédagogue : elle a vocation à améliorer la pratique pédagogique sous l’angle de la relation maître-élève favorisée par une meilleure connaissance de l’enfant, mais également sous l’angle de la recherche C'est dans cette perspective que les pionniers , Bernard Andrey, à Grenoble (1945), la première promotion d'instituteurs (1946) suivie de la première promotion de professeurs de lycée(1947,) ont été formés et se sont illustrés dans les premiers congrès nationaux (Sèvre 1952) et internationaux Hambourg (1954),
Leur expérience et les résultats de leurs travaux seront repris par l'UNESCO pour servir de modèle mondial ,
Pourquoi après un tel démarrage flamboyant, autant de difficultés à installer et développer la psychologie à l'école , dans notre pays ,
On ne comprendrait pas les vicissitudes de notre profession si on se dispensait de l'analyse du contexte politique dans lequel elle est née, s'est développée a failli disparaître plusieurs fois et a évolué dans un sens que ne souhaitai t pas ses son fondateur :
Langevin, Wallon et d'autres membres du Comité de la réforme sont membres du Parti Communiste Français,
1947 :C'est le début de la « guerre froide », les ministres communistes sont débarqués du gouvernement ; la commission de l'enseignement est félicitée pour son travail (par le ministre socialiste Naegelen) mais la réforme reste dans les tiroirs,
1953 Les instituteurs psychologues scolaires parisiens ( 26 en tout)sont invités à reprendre leur classe comme instituteurs, La formation est stoppée,
1960 Le dépistage des enfants arriérés pour les classes de perfectionnement confiées aux titulaires du CAEA(Certificat d'Aptitude à l'enseignement des Arriérés) demande un personnel plus qualifié que les secrétaires de commission de l'enseignement spécial, (CCPE et CDES créées en 1948), Le Ministère de l'Education Nationale recrute de nouveau et forme en deux ans des psychologues scolaires ( uniquement des instituteurs)dans 4 Centres nationaux.
A Paris, Psychologues Scolaires et Conseillers d'orientation suivent en commun à l'INETOP, les cours du professeur René Zazzo, collaborateur avec Hélène Gratiot Alphandéry, de Wallon , . C'est le temps du dépistage
Après 1968 et la mise en cause de l'école comme outil de la ségrégation scolaire et du maintien de l'ordre social (Bourdieu, Baudelot Establet., Pinel et Zafiropoulos..)dont les psychologues et la psychologie (notamment la méthode des tests , Michel Tort ) seraient les fourriers, le concept de prévention de l'échec scolaire se répand, Avec le CRESAS (Centre de Recherche sur l'Education Spéciale et l'Adaptation Scolaire ) dirigé par Mira Stambak ancienne collaboratrice de Zazzo, mais plutôt inté ressée par les thèses de Piaget ,la prévention s'organise avec la création des classes d'adaptation et des Groupes d'Aide Psycho-Pédagogique (GAPP) dans lesquels sont enrôlés les psychologues scolaires,
Ce temps de la prévention s'étendra sur 20 ans (1970-1990), sans que pour autant la mission de dépistage pour l’orientation des élèves vers les classes et es établissement spécialisés se réduise, bien au contraire. Malgré des résultats mitigés quant à leur mission principale, prévenir l'échec scolaire, les GAPP se verront reconduits avec les mêmes personnels, sous un nouveau nom (RASED) et avec de nouvelles missions : l'aide aux élèves en difficulté.
Dans la même période on voit le niveau de recrutement initial des instituteurs ( et donc des futurs psychologues scolaires) s'élever du baccalauréat à la licence puis à la maitrise , mais avec la création du DEPS (Diplôme d'Etat de Psychologie Scolaire 1990) la formation professionnelle se réduit à une seule année dans l'un des 6 puis 5 puis 4centres de formation nationaux .
Avec la circulaire de 2005, c'est le temps de l'intégration devenue rapidement inclusion scolaire qui va accaparer la majeure partie du temps des psychologues du premier degré et leurs relations avec les Maisons Départementales des Personnes en situation de Handicap (MDPH) .Ce passage de la gestion de l'orientation des élèves en situation de handicap , de l'Education Nationale via les CDES vers les Conseils Départementaux responsables des MDPH ne s'est pas fait sans difficulté s et les dysfonctionnements de ces nouvelles institutions ont des répercussions sérieuses sur les conditions de travail des psychologues, sans pour autant améliorer significativement la situation des enfants, de leurs familles et des enseignants . L'insuffisance puis le démantèlement des équipes des RASED notamment après 2007 a privé les écoles de moyens d'aide aux élèves en grande ou moyenne difficulté et à considérablement réduit les missions de prévention notamment à l'école maternelle,
Deuxième partie : Quel statut pour les psychologues du premier degré ?
Selon Henri Wallon, le psychologue scolaire devait connaître l'école et faire partie du personnel de l'école, Dans cette perspective les pionniers de la psychologie à l'école ne mettaient pas en question leur statut administratif d'instituteur ou de professeur de lycée, Pourtant, dès 1948, Bernard Andrey, premier psychologue scolaire ,dans un courrier adressé à René Zazzo, attribuait ses difficultés de relations avec l'IA de l'Isère au fait que son statut d'instituteur n'était pas en accord avec ses responsabilités de psychologue,
Les conflits dans le monde syndical ont également joué un rôle : scission de la CGTU et création de la CGT-FO, Autonomie de la Fédération de l'Education Nationale, ralliement des enseignants CGT grâce au droit de tendance mais persistance de point de vues divergents sur le statut et le rôle des psychologues au sein du Syndicat National des Instituteurs (SNI)
C'est à partir de cette question du statut qu'en 1975 l'AFPS ( Association Française des Psychologues Scolaires fondée en 1962)connut une scission: une partie de ses adhérents – constatant ce qu'ils considéraient comme l'immobilisme des syndicats de l'époque ( SNI et FEN) -décidèrent de fonder un syndicat catégoriel, le SPEN(Syndicat des Psychologues de l'ducation Nationale,
Témoigne aussi de la persistance des divergences, après la création de la FSU et du SNUIPP, un certain nombre de psychologues fondent leSNPsyEN r allié à l'UNSA,
Mais dès 1976 l'AFPS et le SNES publiaient un communiqué commun revendiquant un statut de psychologue exerçant ses missions de la maternelle à l'université au sein d'un service unifié En se retrouvant au sein de la Coordination Nationale des Organisations de Psychologues (1980) puis de l'ANOP(1981 ) l'AFPS, l'ACOF et le SNES apportaient une contribution significative à la lutte pour la reconnaissance légale du titre de psychologue finalement reconnue par la loi de 1985 et mise en œuvre par les décrets de 1990, Au fil des années et des rencontres avec les représentants successifs du Ministère de l'Education Nationale les espoirs de voir reconnaître la profession , passèrent par des hauts et des bas. Dans le GOPE (Groupe des Organisations des Psychologues de l 'Education) les revendications concernant la formation, l'organisation et les missions de la profession se précisèrent peu à peu, Malgré les difficultés du combat unitaire compte tenu des spécificités et des options des diverses organisations de psychologues , des actions communes purent être menées : L' organisation des Etats Généraux pour la Psychologie de l’Education en 1988 et des Etats Généraux de la Psychologie s en 2001 avec la publication d'un Livre Blanc illustrèrent quelques- uns de ces moments importants.
Toutefois les menaces sur l'existence même de la profession ne manquèrent pas .La diminution du recrutement et la suppression de plusieurs centres de formation ainsi que la réduction drastique des postes de RASED ne permettaient pas d'envisager l'avenir avec optimisme,
Mais après 2012 et la mise en chantier de la loi sur la refondation de 'école les perspectives d’évolution s'éclaircirent. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nos interlocuteurs au Ministère de l'Education Nationale- dont la Ministre elle-même- semblaient avoir la volonté politique d'aboutir à une solution proche de nos attentes .
ET MAINTENANT ? Il faut que les engagements soient tenus car le temps presse et nous devons rester vigilants. Les perspectives politique en 2017 peuvent légitimement nous rendre inquiets, mais même si rien de ce que nous avons obtenu n'est remis en question , certains poinnts sont encore à régler. En outre, notre profession va vivre des changements, notamment ceux liés à l'arrivée des nouveaux psychologues du premier degré dont la formation et la culture différera de celle des générations précédentes issues du moule des instituteurs et des professeurs des écoles et qui ont souvent acquis leur formation complémentaire au -delà du DEPS- tout en exerçant leur métier à temps plein. Les organisations professionnelles syndicales et associatives devront s’interroger sur les formes d' organisation et d' action pour répondre aux besoins et aux attentes de ces nouvelles générations de psychologues .